La nouvelle étude de Solidaris, basée sur l’analyse de près de 28 000 hospitalisations à la suite d’une tentative de suicide entre 2013 et 2024, met en évidence une problématique criante chez les jeunes. Chez les 13–24 ans, les admissions à l’hôpital ont presque doublé en dix ans sur l’ensemble du territoire, signe d’une détresse bien ancrée avant même la pandémie. Autre constat alarmant : plus d’un jeune sur six récidive après une première tentative de suicide.

Des jeunes qui sortent de l’hôpital… et se retrouvent seuls
L’étude révèle d’importantes failles dans la prévention et la continuité des soins :
• Plus d’1 jeune sur 6 âgé entre 8 et 25 ans récidive après avoir été hospitalisé pour une tentative de suicide ;
• 1 sur 5 n’a eu aucun contact avec un médecin généraliste dans les trois mois avant ou après son hospitalisation ;
• 4 sur 10 n’ont reçu aucun traitement médicamenteux six mois avant ou après avoir été hospitalisés ;
• Et 6,3 % n’ont bénéficié d’aucune prise en charge avant ou après leur hospitalisation.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un trop grand nombre de jeunes sortent de l’hôpital sans accompagnement ni suivi adapté.

Une détresse amplifiée par les inégalités
On le constate au niveau national, la précarité double le risque d’hospitalisation : les BIM sont nettement plus touchés que les autres. Les filles de 14 à 16 ans sont particulièrement concernées, avec un taux d’hospitalisation cinq fois supérieur à celui des garçons de la même tranche d’âge. Au niveau territorial, la Wallonie reste la région la plus touchée, tandis que Bruxelles connaît une progression rapide. Ces disparités confirment que la santé mentale reste marquée par les inégalités sociales et territoriales.

Une réalité encore plus préoccupante
Ces constats, déjà alarmants, ne reflètent pourtant pas toute l’étendue du problème. En effet, l’étude ne se base que sur les hospitalisations à la suite d’une tentative de suicide : de nombreuses situations n’entraînent pas d’admission à l’hôpital et échappent donc à cette analyse. La réalité du mal-être des jeunes est certainement encore plus inquiétante que ce que montrent ces données.

Solidaris plaide pour une stratégie globale de prévention du suicide et un renforcement de la prise en charge
Face à ces constats inquiétants, Solidaris appelle à une stratégie globale ambitieuse reposant sur deux axes principaux :

1. Renforcer la prévention:
• Cibler les publics les plus vulnérables : jeunes, femmes, personnes précarisées, personnes en invalidité, malades chroniques, personnes en situation de handicap et les familles monoparentales … ;
• À l’instar du dispositif mis en œuvre par Un Pass dans l’impasse, former des sentinelles capables de repérer les signaux de détresse et d’orienter vers l’aide ;
• Briser les tabous autour du suicide et des troubles mentaux ;
• Rendre les dispositifs d’aide existants plus visibles, surtout pour les jeunes issus de milieux défavorisés ;
• Soutenir les initiatives locales, telle que la convention établie entre l’AVIQ et Un Pass dans l’impasse permettant à toute personne en détresse ou à ses proches de bénéficier d’une prise en charge thérapeutique équivalente à 15 séances renouvelables deux fois sur une période de deux ans maximum à un coût très accessible : 2,25 euros la séance pour les bénéficiaires ordinaires (BO) et gratuite pour les bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM)  ;
• Appuyer le Plan stratégique wallon en santé mentale, visant à améliorer l’accès aux soins de santé mentale et réduire les inégalités .

2. Adapter l’offre de soins
• Renforcer la psychologie de première ligne pour offrir un accès rapide à un soutien psychologique, sans devoir passer par l’hôpital ;
• Sensibiliser les médecins généralistes à la détection précoce des troubles ;
• Réviser la programmation des lits pédopsychiatriques, inchangée depuis 1976, pour mieux répondre aux besoins d’aujourd’hui ;
• Généraliser et renforcer les dispositifs de suivi post-hospitalisation tels que les services de vigilance, à l’instar de celui mis en place par l’unité OKAPI , qui assurent une continuité des soins après une tentative.

Pour Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris : « Notre société n’a jamais été aussi riche et pourtant jamais aussi malheureuse. La déshumanisation gangrène nos liens, nos institutions, nos esprits. Le mal-être des jeunes n’est pas une fatalité : c’est le symptôme d’une société qui a oublié de prendre soin, qui a tout construit sur la performance, l’optimisation et la compétition. Investir dans la santé mentale, ce n’est pas seulement sauver des vies : c’est réaffirmer que le progrès ne vaut rien s’il ne rend pas les gens plus heureux, plus solidaires, plus vivants. »

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