Les résultats du nouveau Thermomètre santé & travail de Solidaris sont sans appel : les Belges francophones restent fortement attachés au travail, y compris lorsqu’ils sont malades. Mais ils dénoncent aussi un monde professionnel qui les use, parfois jusqu’à la rupture.

Au cours des douze derniers mois, 40 % déclarent que leur emploi a eu fréquemment ou très fréquemment un impact négatif sur leur santé, contre 35 % pour qui cet impact a été rare ou inexistant. Au total, 83 % considèrent que le travail peut être source de problèmes de santé.

Un attachement fort au travail, même chez les malades

Le travail reste un pilier fondamental de la vie sociale et de l’autonomie. Plus de 90 % des Belges francophones estiment qu’il est important dans leur vie, et ce constat est encore plus marqué chez les personnes en incapacité ou au chômage. Parmi elles, 70 % sont frustrées de ne pas travailler, et souhaitent reprendre une activité. Mais ce souhait s’accompagne d’une volonté de changement : 70% aimeraient exercer un autre travail, aspirant à des conditions de travail qui ne les rendent pas malades.

Des emplois qui usent, selon les travailleurs… et les médecins du travail !

45% des répondants rencontrent souvent ou toujours des contraintes physiques importantes (positions fatigantes ou douloureuses), tandis que 35 % évoquent une exposition fréquente à des risques psychologiques dans l’exercice de leur métier.

Les médecins du travail partagent ce constat :

  • 84 % observent une hausse des troubles somatiques ou psychosomatiques liés aux conditions de travail ;
  • 92 % notent une hausse de la fatigue intense due au stress ou aux tensions professionnelles;
  • 64 % pensent que la santé des travailleurs belges ne sera pas meilleure dans dix ans ;
  • Pourtant, 79 % estiment que leur rôle en matière de prévention n’est pas reconnu à sa juste valeur.

Adapter les emplois aux travailleurs, et non l’inverse

Dans ce contexte, 78 % des répondants demandent une réforme profonde de l’organisation du travail pour protéger la santé physique et mentale.

Face à la montée des arrêts de longue durée, la demande d’un renforcement de la prévention dans les entreprises est importante : 85 % des répondants estiment qu’il faudrait en faire beaucoup plus pour anticiper les problèmes de santé au travail. Pourtant, cette volonté se heurte à une réalité peu encourageante : 55 % déclarent qu’aucune mesure de prévention collective n’existe dans leur entreprise ou organisation, et 67 % pensent que la médecine du travail n’intervient qu’une fois que les problèmes sont déjà installés.

Les résultats de l’enquête révèlent aussi que les attentes vis-à-vis des employeurs sont élevées : 55% des personnes interrogées considèrent que la manière dont les entreprises organisent le travail est le facteur qui influence le plus la santé des travailleurs. Dans le même temps, seulement 17% estiment que les décideurs politiques contribuent réellement à garantir la bonne santé au travail.

Enfin, seuls 11% des médecins du travail interrogés pensent qu’en l’état actuel, la loi bien-être est vraiment respectée dans les entreprises. Un constat qui démontre l’urgence de renforcer le cadre législatif et de doter les acteurs de moyens concrets pour en garantir l’application effective sur le terrain.

Solidaris appelle à une rupture avec les logiques punitives

Face à l’explosion des troubles liés au travail, Solidaris appelle les responsables politiques à changer de cap. «Vouloir responsabiliser les malades sans prendre le problème à la source ne sert à rien : ce sont les mauvaises conditions de travail qui font augmenter les dépenses des indemnités », déclare Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris.

Il est urgent de sortir d’une logique punitive et « court-termiste ». Solidaris plaide pour un véritable changement de cap à travers un plan global, articulé autour de deux dimensions essentielles. D’une part, il est impératif d’abandonner les politiques publiques qui fragilisent encore davantage les travailleurs (comme l’exclusion du chômage ou la remise en cause des pensions anticipées) qui ne feront qu’aggraver les inégalités et précipiter des milliers de personnes dans l’épuisement ou la précarité. D’autre part, le gouvernement doit agir de manière résolument proactive sur les leviers structurels de la santé au travail :

  • En reconnaissant pleinement la pénibilité de certains métiers ;
  • En aménageant des fins de carrière dignes et accessibles à toutes et tous ;
  • En finançant des politiques de prévention ambitieuses ;
  • En donnant les moyens financiers aux acteurs qui accompagnent le retour au travail ;
  • En accompagnant les personnes en incapacité avec humanité plutôt qu’avec contrainte ;
  • En responsabilisant les employeurs, y compris financièrement, face aux effets de l’organisation du travail sur la santé.

En opposition à cette vision, le gouvernement poursuit une trajectoire inverse : durcissement des trajets de réintégration, augmentation des sanctions, remise en cause des allocations, extension du travail de nuit, quasi fin des régimes de pensions anticipées, … Autant de mesures qui dégradent les conditions de travail pour tous.

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