En 2013, Solidaris se penchait sur l’évolution de la consommation de médicaments suite à l’entrée en maison de repos. L’occasion de tordre le coup à l’idée que la maison de repos est un lieu de surconsommation systématique de médicaments. En effet, le suivi de la consommation des résidents avant et après institutionnalisation ne montrait pas d’augmentation de la consommation. Dix ans après, nous avons souhaité actualiser cette analyse afin d’évaluer l’impact de différentes mesures qui ont été prises dans le secteur des maisons de repos ces dernières années.

Une consommation en diminution

Les résidents des maisons de repos consomment moins de médicaments qu’avant leur emménagement. En moyenne, une personne en maison de repos prend 772 DDD (nombre de doses quotidiennes) au cours des 6 mois suivant son institutionnalisation, contre 943 DDD 6 mois avant son institutionnalisation (-18%). Ce constat diffère sensiblement de ce que l’on pouvait observer il y a une dizaine d’années quand l’entrée en maison de repos se traduisait par une consommation globale de médicaments relativement stable (-2%).

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette tendance : entre autres, l’introduction de la tarification à l’unité (cf. par comprimé) dans les maisons de repos en 2015, la possibilité de préparation de médication individuelle depuis 2012 mais aussi la sensibilisation accrue concernant une meilleure utilisation du médicament et la formation des médecins coordinateurs et conseillers dans les maisons de repos.

Une polymédication stable

L’entrée en maison de repos induit une légère diminution de la consommation de médicaments différents (polymédication). En moyenne, les affiliés se voient prescrire 8 classes de médicaments différentes (au niveau ATC4) suite à l’entrée en maison de repos, contre 9 lorsqu’ils étaient à domicile. A noter que 10% d’affiliés prennent jusqu’à 14 classes de médicaments différentes après l’entrée en maison de repos contre 15 à domicile.

Du changement dans les traitements

Les personnes en maison de repos se voient prescrire des changements dans leurs traitements. En effet, l’analyse longitudinale montre qu’il existe des différences, plus ou moins importantes, entre les médicaments prescrits en maison de repos en comparaison à la situation lorsque la personne était à domicile, comme le démontre les chiffres suivants :

  • 38% des personnes en maison de repos prennent des antidépresseurs (au moins 30 doses quotidiennes sur six mois) contre 35% lorsqu’elles étaient chez elles (+9%). Parmi elles, 1 personne sur 4 a commencé à prendre des antidépresseurs après l’entrée en maison de repos.
  • 11% des personnes en maison de repos prennent des antipsychotiques, ce pourcentage étant de 10% lorsqu’elles étaient à domicile. La moitié des personnes en maison de repos sous antipsychotiques a commencé à les prendre après leur institutionnalisation.
  • 32% des personnes en maison de repos prennent des statines contre 39% auparavant, (-18%). Ainsi, 27% des personnes prenant des médicaments pour réduire le taux de cholestérol arrêtent leur traitement après leur arrivée en maison de repos.
  • 61% des personnes en maison de repos prennent des antithrombotiques contre 68% lorsqu’elles étaient à domicile (-18%). Plus d’1 personne sur 5 prenant des antithrombotiques arrêtent leur traitement après l’arrivée en maison de repos.

Sur base de ces constats, Solidaris recommande :

  1. Une implication des pharmaciens dans le monitoring de la qualité de la prescription de médicaments en maison de repos via la désignation de pharmaciens coordinateurs et conseillers (PCC). La Flandre a déjà franchi le pas en ce sens : la maison de repos peut s’appuyer sur un pharmacien coordinateur et conseiller pour organiser la prise en charge pharmaceutique des résidents ;
  2. Un renforcement du rôle du médecin coordinateur et conseiller de la maison de repos (MCC). Outre les missions qui lui sont déjà actuellement confiées dans le cadre de son activité rémunérée par la maison de repos, Solidaris propose que le MCC soit chargé d’organiser et d’assurer des activités de formation continue à l’intention du personnel de l’institution (par exemple, une fois par an, dans l’objectif de le sensibiliser sur une thématique précise relative à la prescription du médicament) ;
  3. Une plus grande attention portée au bien-être en améliorant l’approche non-pharmacologique et ainsi réduire la consommation de médicaments. L’entrée en maison de repos représente un changement d’environnement qui peut être une source de stress pour la personne âgée. Cela peut influer son état physique et psychique si bien que la première solution apportée réside souvent dans la prescription de médicaments alors que l’on peut agir préventivement (préparation de l’entrée en maison de repos, accueil avec un accompagnement individuel, attention particulière portée au bien-être du résident et aux activités proposées, etc.).
  4. La question de la (sur)consommation de médicaments des personnes âgées doit être abordée de manière générale et doit faire l’objet d’une réelle politique de santé publique dans la mesure où il existe également des problèmes à domicile. En ce sens, il s’agit que les bonnes pratiques appliquées en maison de repos puissent inspirer le secteur à domicile. Par exemple, la médication « sur mesure » répondant aux besoins individuels du patient âgé – via la préparation de médication individuelle ainsi que la tarification à l’unité – pourrait être étendue aux personnes vivant à domicile. Cela permettrait d’éviter le gaspillage en adaptant la distribution aux besoins individuels mais aussi de donner au pharmacien et au médecin traitant une vue précise sur l’historique thérapeutique du patient pour assurer un meilleur suivi et éviter l’utilisation abusive/contre-indiquée de médicaments.

 

Lien vers l’étude « Consommation de médicaments en maison de repos »